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éd. resp. Jan Hellebaut

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Dix malentendus

relatifs à l'objection de conscience contre la préparation de la guerre via les impôts, et à propos de la proposition de loi pour la constitution d'un Fonds des impôts pour la paix

  1. «Ils cherchent une manière de payer moins d'impôts.»

    Ceci est incorrect. Les objecteurs de conscience contre la préparation de la guerre veulent bel et bien payer l'entièreté de leurs impôts, dès lors qu'il s'agit d'une obligation sociale pour chacun. Tout membre d'une communauté doit prendre ses responsabilités financières.

    Certains refusent déjà maintenant de payer au Service des impôts une somme symbolique ou le montant supplémentaire à payer, mais ils versent cette somme sur un compte bloqué. Ce argent est tenu à la disposition du gouvernement jusqu'à ce que le Parlement ait mis au point une disposition légale via un fonds des impôts pour la paix, répondant à leurs objections de conscience.

  2. «Ils ne veulent pas payer d'impôts pour l'armée.»

    La faute se situe dans le mot vouloir. Il y a beaucoup de choses pour lesquelles on souhaiterait ne pas payer, mais pour lesquelles on paie quand même, dès lors qu'une décision légale a été prise en ce sens. Mais pour l'armement et la préparation à la guerre, les objecteurs de conscience ne peuvent pas payer parce que leur conscience ne leur l'autorise pas. La conscience est reconnue comme un droit humain dans plusieurs conventions internationales comme dans la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) et dans le Pacte internationale relatif aux droits civils et politiques (Cipo). Elle doit donc être respectée, même et surtout si ces objecteurs de conscience ne constituent pas une majorité parlementaire. Notre démocratie est suffisamment avancée pour ne pas obliger les individus à agir contre leur conscience.

  3. «Nous devons malgré tout nous défendre, et, en dernière instance, seule la force militaire est efficace.»

    Beaucoup d'entre nous sont d'avis que nous pouvons et devons nous défendre, mais pensent que la force militaire est immorale et inefficace. La leçon de millénaires de manœuvres militaires n'est pas la défense, mais bien l'attaque, de défaite, la mort et la destruction; cela ne peut plus continuer. L'alternative propose des moyens par le biais desquels tous les hommes s'unissent socialement pour se défendre contre l'injustice.

    Même les armées que prétendent servir la paix (les Casques Bleu) font fausse route. Les armées de l'ONU s'exposent au même problème de militarisme que les autres armées. L'utilisation des armes engendre une spirale de violence. Il est impossible d'atteindre la paix avec des armes. Le bon objectif, soit une société pacifique, sera seulement atteint par l'édification d'une paix civile (c'est-à-dire citoyenne et civilisée).

    Même si cet argument était vrai, et que la défense sociale n'était pas efficace, ceci n'enlève rien au souhait de la reconnaissance du droit d'une objection individuelle à ceux que à cause de leur conscience ne peuvent être complices de la guerre et de l'armement.

  4. «Si l'objection de conscience contre la destination militaire des impôts est reconnue, une brèche est ouverte, et tout le monde peut refuser de payer pour certains objectifs (les handicapés, les réfugiés…). Le système fiscal ne fonctionnerait dès lors plus.»

    Ce malentendu est inspiré par la peur, et la peur n'est pas un bon point de départ en politique. La peur ne peut jamais être un critère pour juger un problème de conscience, ou pour ne pas reconnaître une objection de conscience.

    Ce raisonnement n'est par ailleurs pas correct; car tout le monde ne peut ainsi refuser de payer pour quelque chose. Le parlement n'acceptera jamais ce refus individuel de payer, parce qu'il met à mal la solidarité dans la communauté, et n'est pas basé sur la conscience. Refuser de payer par exemple pour des handicapés ne peut qu'être un (mauvais) choix politique, qu'on ne peut défendre sur base de la conscience, et qui ne peut être défendu publiquement (contrairement au refus de collaborer à l'avortement ou l'euthanasie).

    Il existe dans le système fiscal de nombreux articles, des exceptions, et des échappatoires, dont les riches font surtout usage par le biais de montages financiers, sans pour autant faire disparaître le système fiscal. Ce système ne disparaîtra pas davantage par la création d'un fonds des impôts pour la paix.

    Le système fiscal sert le bien-être général; la conscience également. Un système fiscal qui ne respecte pas la conscience doit donc être revu d'urgence.

  5. «Dans une démo-cratie ce n'est pas au citoyen mais bien au Parlement de décider de la répartition des dépenses.»

    Ce point de vue est certes sensé, mais il est formel. Il peut en effet en être autrement, si on le souhaite. A titre d'exemple, le formulaire d'impôts des Etats Unis pose comme première question à chacun des époux: Souhaitez-vous destiner un dollar au fonds des campagne pour les élections présidentielles? Une question similaire est posée dans certains états. Il est donc possible dans une démocratie que le contribuable donne une destination à une partie de ses impôts. Si le Parlement le juge opportun, les prérogatives budgétaires ne sont pas ébranlées. Nous renvoyons à cet égard à la taxe allemande pour l'église.

    Il existe en Hollande une dizaine de lois dispensant les objecteurs de conscience du paiement de primes pour les assurances sociales. Les dispensés doivent verser un montant identique aux contributions comme  impôts extra sur les salaires ou les revenus. Des solutions similaires peuvent être trouvées dans des cas de la responsabilité légale des véhicules, et la perception-Kalkar.

    La conclusion du rapport «Les objecteurs de conscience requièrent l'attention» de l'Institut scientifique du CDA néerlandais (mai 1993), est qu'il n'y a aucune raison de principe qui pourrait faire obstacle pour la reconnaissance de l'objection de conscience contre le paiement d'une partie des impôts directs destinés à la défense militaire. Les rédacteurs de ce rapport pensent que «des raisons pratiques de cette organisation ne peuvent davantage être considérées comme des obstacles» (page 56, paragraphe 5.4.3).

    Le Parlement belge a estimé en 1964 que les citoyens individuels pouvaient se soustraire au service militaire sur base de leur conscience. Le Parlement s'est toutefois réservé le droit de régler la défense militaire, et de déterminer le contingent de l'armée, de même que les conditions qui doivent être remplies pour le service civil.

    Le Fonds des impôts pour la paix devra également être placé sous contrôle parlementaire. Le Parlement approuvera l'affectation d'une partie des impôts à des objectifs touchant à la paix, et exercera un contrôle annuel. La démocratie n'est donc absolument pas en danger.

    Tant que le montant est limité, le Parlement ne trouvera aucun obstacle dans son fonctionnement. Lorsque ce montant deviendra plus important suite à un soutien massif des contribuables, un Parlement responsable soucieux de l'évolution sociale en tirera lui-même les conclusions, et reverra sa politique de défense.

    Le droit au budget du Parlement fut à l'origine instauré pour protéger le peuple contre l'arbitraire et l'abus de pouvoir des rois et des empereurs. Il ne peut naturellement en être fait usage par le Parlement ou le gouvernement pour agir contre la volonté du peuple en imposant ses propres vues.

  6. «La loi est la loi et doit être respectée.»

    Les lois sont en effet nécessaires pour le fonctionnement de la société. Mais certaines lois ne sont pas bonnes, et doivent pouvoir être changées. Beaucoup de lois, que nous trouvons à présent normales, telle que la loi sur le droit de vote et le droit de grève, ne sont nées qu'après une longue lutte politique et sociale, y compris des actions de désobéissance civile.

    L'argument cité nous rappelle d‘une manière peu agréable le «Befehl ist Befehl». Des citoyens et des militaires ont essayé à Nürnberg d'employer cet argument pour  justifier leurs crimes de guerre. La charte de Nürnberg précise depuis qu'il n'y a pas que les gouvernement et les dirigeants qui peuvent être tenus pour responsables de crimes contre la paix. Ceux qui sont complices ou qui ont pris part à la préparation de tels crimes doivent être tenus individuellement responsables. (article 6).

    L'existence d'une loi n'implique pas que cette loi est bonne. Le père Augustinus disait «iniusta lex non est lex». Lorsqu'en 1963 Martin Luther King se trouvait dans une prison de Birmingham pour avoir enfreint une foi, il pensait également comme Augustinus qu'une loi qui n'est équitable n'est pas une bonne loi.

    Avant 1964, les objecteurs de conscience belges enfreignaient les lois sur le service obligatoire en faisant valoir leur conscience. Ils avaient raison moralement, mais ils ont dû attendre jusqu'en 1964 pour obtenir gain de cause auprès du Parlement belge.

    Il y a donc une évolution juridique claire qui est en cours. Le droit de reconnaître des objecteurs de conscience s'élargit, surtout dans les milieux internationaux.

  7. «L'objection de con-science contre le service militaire existe et est reconnue. Il s'agit toutefois de quelque chose totalement différent de l'objection de conscience contre la destination militaire des impôts.»

    Il existe en effet une différence technique. Dans un cas, il y une implication physique directe. Dans le deuxième cas, cette implication est indirecte via l'argent. Le principe est toutefois semblable. Nous ne pouvons collaborer à l'armement, la guerre, ou la préparation de la guerre par une collaboration physique, ni davantage par une collaboration financière. C'est justement à cette période où le collaboration physique n'est plus obligatoire que la responsabilité financière n'en devient que plus importante. Les armées font moins appel à des hommes qu'auparavant, mais davantage à de l'argent suite au développement technologique. Le citoyen qui par son impôt permet à un militaire de tuer un semblable est-il moins coupable que le militaire qui tue personnellement un être humain? Dès lors que l'objection de conscience dans les affaires militaires a expressément été reconnue par le législateur, la législation fiscale est en contradiction avec cette loi, étant donné qu'elle ne garantit pas au citoyen la même liberté de conscience.

  8. «Ce n'est pas le contribuable, mais bien l'autorité qui est responsable pour la politique menée.»

    L'autorité est en effet responsable pour la politique menée, vis-à-vis du contribuable. Ce dernier est responsable individuellement conformément à l'article 6 de la charte de Nürnberg, qui appartient au droit international. Chaque acte qui facilite ou rend possible un crime contre la paix peut être considéré comme une infraction individuellement sanctionnable. Celui qu met des moyens financiers à la disposition de telles pratiques est évidemment complice. Le citoyen ne peut donc être obligé par personne d'être complice d'un crime contre la paix, pas même par l'autorité via sa législation fiscale.

    Dans une démocratie parlementaire, le citoyen exerce sa responsabilité politique via le Parlement, mais il ne peut mettre de côté son ultime responsabilité morale.

  9. «Il n'y a pas de relation entre la contribution aux impôts et leur destination. Il n'y a pas d'impôt de guerre. Tout va dans un pot, et tout est payé au départ de ce pot.»

    Ce raisonnement est une abstraction. En juin 1993, la BRTN montrait dans un journal des images de somaliens après un bombardement américain. Un panneau indiquait US tax payers, this is what your tax dollars are doing to us! Ces somaliens savent pertinemment bien qu'il existe une relation entre les impôts et la guerre.

    Lorsque le gouvernement allemand voulut percevoir un impôt spécial pour couvrir les dépenses de la guerre du Golfe, une protestation vigoureuse s'éleva. Pour combler le trou dans le budget, le gouvernement allemand a donné un autre nom, et instauré une cotisation de solidarité pour la réunification de l'Est et de l'Ouest. Il n'en reste pas moins qu'un impôt fut levé pour rembourser le coût d'une guerre.

    Que le citoyen paie une contribution globale, ou des rétributions spécifiques sous la forme d'impôts sur les vélos, de redevance radio, ou d'impôts sur la guerre, les dépenses sont en général effectuées au départ d'un pot central. Cela n'empêche pas que ces dépenses ne sont possibles qu'en fonction des contributions et des rétributions des contribuables. Ceci rend possible une bonne ou mauvaise politique de la circulation, une bonne ou mauvaise politique de radiodiffusion, et une bonne ou une mauvaise politique de défense.

    Un Fonds des impôts pour la paix est possible. Il existe d'autres fonds qui ont été créés au départ de sommes reçues sur le budget de l'Etat. Il en est ainsi du Fonds pour l'indemnisation des victimes d'actes intentionnels de violence, financé directement par les amendes consécutives à des condamnations.

  10. «Les objecteurs de conscience contre la destination militaire de leurs impôts se font des illusions à propos d'un Fonds des impôts pour la paix, dès lors que les dépenses militaires n'en sont pas pour autant diminuées. Le gouvernement et le Parlement décident des sommes qui seront allouées à la défense militaire.»

    Les objecteurs de conscience contre le service militaire aussi se font des illusions à propos du service civil, qui n'implique pas une diminution véritable des activités de guerre. Le gouvernement et le Parlement décident d' l'importance du contingent militaire. Il existe malgré tout une loi pour les objecteurs de conscience contre un service militaire physique.

    Nous souhaiterions une diminution du contingent et des dépenses militaires, mais nous ne pouvons l'exiger du Parlement sur base de nos consciences individuelles. La majorité a le droit de mener une certaine politique, même si elle est à notre avis erronée, sans but, et immorale. Mais la majorité, pour autant qu'elle soit droite dans ses chaussures, doit pouvoir reconnaître le droit d'objection, et le considérer comme un raffinement de la démocratie.